Les chatbots, ce terme à la mode ne renvoie-t-il qu’à un phénomène passager ou ouvre-t-il la voie à une petite révolution ? En tout cas, force est de constater qu’il est aujourd’hui au cœur des discussions digitales. Et c’est encore une fois Mark Zuckerberg qui a mis le feu aux poudres en permettant aux entreprises de mettre en ligne gratuitement leurs chatbots sur la plateforme à succès Facebook Messenger. Mais au-delà de l’effet nouveauté, que faut-il penser de l’impact réel de ces automates sur le long terme, notamment sur la relation client à laquelle ils participent ?
Voici en 4 points de quoi se faire une opinion sur le sujet :
1- Un phénomène en marche
Les « chatbots », que l’on pourrait traduire par « robots conversationnels », désignent ces agents intelligents que l’on voit fleurir sur nombre d’applications où ils s’activent pour proposer tout un tas de services à l’utilisateur. Il s’agit de logiciels automatisés conçus pour remplir une mission bien spécifique – tenir informé de la livraison d’un colis, donner la météo du jour, ou encore aider à commander une pizza – qui s’intègrent directement dans des applications existantes telles que Facebook Messenger, WeChat, Line et bientôt WhatsApp. Parmi les premières entreprises à s’y être lancé, on trouve aussi bien des Américains comme Disney, CNN, Burger King ou Uber que des Français comme AXA, Air France KLM, Voyages-sncf.com ou encore Sephora (et son consultant beauté « Beauty Bot »).
La particularité des chatbots est qu’ils emploient le langage naturel comme interface utilisateur dans le but de simuler une vraie conversation. Ils s’appuient pour cela sur un moteur d’intelligence artificielle capable d’apprendre de ses expériences (machine learning) afin de gagner progressivement en naturel et en perspicacité.
En 2016, ces chatbots ont connu un essor sans précédent. En l’espace d’une année, on est passé de quelques expérimentations plus ou moins abouties à plusieurs dizaines de milliers de bots en activité sur la toile. Ce succès fulgurant s’explique par la conjonction entre un engouement soudain pour la messagerie instantanée (à l’image de la réussite de Slack) et les dernières avancées obtenues dans le domaine de l’intelligence artificielle.
C’est Facebook Messenger qui tire actuellement son épingle du jeu en se positionnant comme distributeur n°1 de chatbots. Ouverte aux bots depuis seulement avril 2016, la plateforme en propose déjà plus de 30 000 ! Messenger se transforme ainsi en véritable plateforme de services pour ses utilisateurs, à la fois riche, ouverte et accessible (aucune application à télécharger ni à installer). Pour comprendre l’effet booster de Messenger sur le développement des chatbots, il suffit de rappeler que la plateforme de Facebook compte aujourd’hui plus de 900 millions d’utilisateurs actifs dans le monde et qu’elle comptabilise en moyenne 20 milliards d’échanges par jour. Pour toute entreprise désirant offrir ce nouveau service à son audience, c’est le support rêvé !
2- De nombreux avantages mais aussi des limites
Si le phénomène a pris une telle ampleur en si peu de temps, c’est bien sûr grâce aux avantages majeurs que procurent les chatbots tant aux utilisateurs qu’aux entreprises. Ils leur offrent notamment :
– un échange convivial grâce au mode conversationnel : un langage naturel qui simule un échange avec une personne réelle et qui met en confiance l’interlocuteur, et une facilité d’utilisation pour le correspondant qui s’exprime à l’écrit comme il le ferait à l’oral
– un échange personnalisé et en one-to-one avec l’utilisateur : pas de réponse toute faite, pas de liste FAQ (frequently asked questions), le chatbot s’adapte à la demande et aux propos de son interlocuteur et engage un véritable dialogue
– un accès direct et « sans couture » au service : pas besoin de télécharger ni d’installer une application supplémentaire, le bot est accessible directement depuis le site ou la plateforme utilisée
– un service disponible immédiatement et en 24/7 : le chatbot reste toujours à l’écoute de son interlocuteur, à toute heure du jour et de la nuit, 7 jours sur 7, il répond sans délai et est toujours d’humeur égale 😉
– une capacité à tenir compte instantanément de toutes les données disponibles sur l’utilisateur : grâce à sa vitesse de consultation des données, le chatbot est à même d’apporter immédiatement une réponse sur mesure à son interlocuteur, en fonction de sa demande mais aussi des informations dont dispose l’entreprise à son sujet (sexe, âge, préférences, relations, localisation, historique des échanges, etc)
– un coût de fonctionnement quasi nul pour l’entreprise : une fois développé, le chatbot ne coûte presque rien à l’usage si on le compare au coût d’un service client
– une solution beaucoup plus simple à mettre en œuvre qu’une application : un chatbot est beaucoup plus rapide et beaucoup moins cher à réaliser qu’une application, qui plus est si l’entreprise envisage de décliner cette application sur chaque support (desktop, tablette, mobile, OSX, Windows, etc.). C’est tellement plus souple que certains prédisent que nombre d’entreprises vont se détourner progressivement des applications mobiles pour leur préférer la mise en place de chatbots sur les grandes plateformes de messagerie.
– une présence de l’entreprise sur des plateformes très populaires (à commencer par Facebook Messenger et bientôt WhatsApp) : une visibilité renforcée pour l’entreprise et l’opportunité de capter de nouveaux clients et prospects grâce au succès et à la fréquentation de ces plateformes mondiales.
Toutefois, malgré ces nombreux avantages, les chatbots présentent également quelques limites, ou plutôt UNE limite de taille : leur réelle intelligence et capacité à comprendre leur interlocuteur, tant sur le plan de ses attentes que de ses intentions. Bien que l’intelligence artificielle fasse mois après mois d’énormes progrès, elle est encore loin de pouvoir rivaliser avec la souplesse du cerveau humain. Et ce pour 3 raisons essentielles : d’abord parce que les modèles et algorithmes qui la composent ne sont pas encore à la hauteur, ensuite parce que cela réclame une puissance de calcul phénoménale et que malgré la loi Moore on est encore loin du compte, enfin parce qu’il lui faut apprendre comme un être humain le fait tout au long de sa vie et que cela nécessite un maximum d’interactions et par conséquent beaucoup de temps. A cette heure, l’IA n’est encore qu’un enfant, presque un nouveau-né.
Microsoft et son expérience douloureuse avec le chatbot « Tay » en mars 2016 montre à quel point les bots sont encore immatures et influençables. Moins de 24h seulement après son lancement sur Twitter et après que des utilisateurs malveillants lui aient bourré le « crâne » avec une propagande nauséabonde, Tay s’est mis à proférer insultes et propos fascisants avant d’être rapidement débranché par ses créateurs…
C’est pour éviter ces dérapages que les chatbots sont aujourd’hui volontairement spécialisés sur un type de demande précis, et c’est aussi pour éviter de gros malentendus qu’il est souvent prévu que l’humain en prenne le relais pour finaliser une prise de contact ou confirmer une réservation par exemple.
3- Un impact majeur sur l’expérience client
Jusqu’à présent les forces commerciales, marketing et support de l’entreprise se partageaient la relation client, il faudra désormais compter sur les chatbots pour y prendre part. Selon le canal utilisé, le type de demande ou encore le point d’avancement dans son parcours, le client a aujourd’hui à faire, alternativement, aux uns et aux autres.
Les chatbots permettent de rendre l’expérience client beaucoup plus fluide et unifiée. Avec eux, plus d’interruption dans la relation ni de changement de média à effectuer, les bots s’intègrent directement dans l’application choisie par le client pour lui proposer des services et lui permettre de maintenir un contact continu avec la marque. Ce n’est plus le client qui fait l’effort d’aller vers l’entreprise mais au contraire celle-ci qui vient à son contact pour se mettre à sa disposition à toute heure et en tout lieu (au travers des différentes plateformes).
L’autre changement important induit par les chatbots concerne la réactivité du service client. Grâce à la complémentarité entre interlocuteurs humains (support, commerce ou marketing) et robots intelligents, le client trouve maintenant réponse à ses questions de manière beaucoup plus rapide. Non seulement les bots restent sollicitables en 24/7, mais ils ont en plus l’avantage de répondre immédiatement à leur interlocuteur en compilant instantanément l’ensemble des données disponibles.
Enfin la répartition des tâches, entre celles à faible valeur ajoutée pour les chatbots et celles à forte valeur ajoutée pour les humains, permet d’optimiser la disponibilité de ces derniers en réservant leur intervention aux demandes les plus complexes. La qualité de leur contribution n’en est que meilleure, de même que la satisfaction client à l’arrivée 🙂
4- Et après, quelles perspectives ?
Face à ce véritable phénomène, les spéculations vont bon train, les fantasmes aussi. Certains y voient la fin programmée des services client humains, d’autres au contraire pensent n’y reconnaître qu’un simple effet de mode qui ne durera pas.
Ce qui est sûr, c’est l’impressionnante montée en puissance du marché des chatbots qui ne pesait encore que 113 millions de $ en 2015 et que l’on annonce à plus d’1 milliard de $ à horizon 2024 (prévisions Statista 2017). Progressivement, ces petits automates vont s’intégrer dans l’écosystème digital des marques (au même titre que les sites internet ou les réseaux sociaux) et faire partie du quotidien des consommateurs. Et avec les progrès attendus de l’intelligence artificielle, leur valeur ajoutée a de bonnes chances de continuer à croître et ce quelle que soit la forme sous laquelle ils évolueront (écrite ou orale).
Quant à savoir si l’homme y perdra sa place, d’après l’étude réalisée en 2016 par Aspect Software Research, 29% des postes actuellement liés au service client pourraient être automatisés, soit une économie annuelle de 23 milliards de $ à l’échelle des Etats-Unis ! Si cette proportion se confirme, il sera alors difficile pour les entreprises de passer à côté d’une telle manne financière…
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